Nadz, alto 2, nous fait part de son ressenti après deux jours d’enregistrement de nos chansons en studio.
Je me réveille ce matin avec des voix dans la tête. Pas les voix habituelles listant les choses à faire, et suscitant des soucis. Ce matin j’entends des voix qui chantent. Elles portent une mélodie et avec la mélodie, elles me portent. Elles sont toujours là après le week-end d’enregistrement avec la chorale en studio.
Je me souviens de ce moment à la fin du premier jour où après sept heures de chant nous faisions une énième prise. J’ai pris une inspiration et j’ai commencé ma partie. Je sentais ma voix quitter mon corps mais je ne pouvais pas l’entendre. Je me sentais désorienté.e, dans un état de rêve comme si je pleurais sans aucun son. J’essayais de distinguer ma voix parmi les autres, de la localiser afin de m’assurer que je chantais bien ma partie.
Au-delà de cette panique de me perdre, j’ai découvert un espace où il n’y avait plus ni moi ni les autres. J’étais Erell et Julie, mes camarades altos à ma gauche, et Mélanie et Manon, les sopranos à ma droite, j’étais Brian et Joan avec leurs douces voix de ténor, et Robbie avec sa voix de basse grave, et en traversant toute la salle, j’étais Laure et Katharina et Sarah. Le chœur était ce corps aux mille voix comme une seule, et il n’y avait ni besoin ni moyen d’exister séparément. Ce fut le plus bref des instants, comme celui qu’on vit avant de perdre conscience. Et peut-être que je l’ai perdue, cette conscience d’avoir une individualité et de m’accrocher aux mots et aux identités, et de m’accrocher aux habitudes de rester seul et de se démarquer.
J’ai rebondi pour redevenir moi-même comme nous le faisons tous. Et ce matin j’ai des choses à faire, des espoirs à réaliser, des soucis à régler. Mais mille voix chantent à travers mon corps aujourd’hui et mon corps chante à travers ces voix. Oh, restez avec moi plus longtemps, restez en moi pour toujours afin que je puisse apprendre l’humilité d’accueillir cette multitude, de m’abandonner et de connaître la force d’être un.e parmi tant d’autres, d’être plusieurs.
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